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«Dans la Schlosssaal de l’établissement pénitentiaire de Hindelbank (BE), la Romande Marianne, 59 ans, a reçu vendredi la réparation morale qu’elle attendait depuis plus de quarante ans. A 18 ans, on l’a littéralement jetée en prison parce qu’elle avait fugué à plusieurs reprises des foyers où on l’avait placée depuis son enfance. Sans explication, sans soutien, et surtout sans jugement. Sur une simple décision de l’administration, parce qu’on ne savait plus quoi faire pour dompter son comportement décrété ingérable. «La seule chose dont je me souvienne, c’est qu’on m’a dit que si je fuguais encore, on me mettrait en prison. Je n’y croyais pas. Quand la police m’a attrapée, ils m’ont internée à Hindelbank, pour un an», raconte Marianne.
Dans sa cellule, au milieu de criminelles, la jeune fille a vécu l’isolement total. Avec pour seule compagnie une guitare et des soccolis qu’elle utilisait pour appeler les gardiennes en frappant sur la lourde porte de sa cellule. A sa sortie en janvier 1971, elle est restée en semi-liberté quelque temps. «Comme si j’avais été un danger pour la société !» s’offusque-t-elle. Malgré tout, Marianne a construit sa vie. En occultant cet épisode.
Si jusqu’à aujourd’hui elle n’a parlé ni à ses quatre enfants ni à son entourage de cette expérience infamante, c’est parce qu’elle en porte toujours les stigmates. «On m’aurait cataloguée d’exdétenue alors que je n’avais rien fait de mal. Je ne serais arrivée à rien dans la vie.»
C’est l’an dernier, en découvrant un documentaire sur le destin de la Zurichoise Ursula Biondi, que l’épisode Hindelbank remonte à la surface. Comme Marianne, Ursula a passé un an dans une cellule. Son expérience douloureuse, la Zurichoise l’a exorcisée dans un livre, Geboren in Zürich, publié en 2002. Elle y raconte comment elle s’est retrouvée en prison à 17 ans parce qu’elle était enceinte d’un homme plus âgé. La découverte du documentaire et du livre est un détonateur pour Marianne. Elle témoigne alors sur le site d’Ursula Biondi, www.administrativ-versorgte.ch.
Une goutte d’eau, quand on sait qu’entre 1942 et 1981 des milliers de mineurs et d’adultes «déviants» n’ayant commis aucun crime ont été internés administrativement à Hindelbank. Suite à ces témoignages, la conseillère nationale Jacqueline Fehr a déposé en mai 2009 une interpellation au Conseil fédéral. Et vendredi dernier, une cérémonie à Hindelbank a été organisée avec la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf. Pour que le tort subi soit enfin reconnu. «Si je fouille dans mes souvenirs aujourd’hui, c’est pour aider tous les autres qui ont vécu la même chose. Comme moi, il sont droit à des excuses. Pour pouvoir avancer.»